Le faux pas du Gouvernment conservateur
Difficile d’imaginer un gouvernement plus incompétent que les Conservateurs lorsqu’on aborde des enjeux sociaux tels que la justice criminelle. Prenons le programme des demandes de pardon par exemple. Sous Stephen Harper, les multiples changements appliqués ont causés une décroissance du nombre d’application, le tranchant par plus de la moitié.
En effet, de 2012 à 2015, le nombre de demandes de pardon est tombé de 29 829 à 12 743 demandes de suspension de casier, selon le nouveau terme employé. Il est valable de se demander si cette conséquence n’était pas le but réel de la procédure.
Ces changements avaient été apportés suite à l’affaire Graham James, un agresseur sexuel aux multiples récidives qui avait obtenu le pardon. Évidemment, l’opinion publique était choquée et il était normal que la réponse se matérialise en une réforme du système. Mais plutôt que de renforcer les mesures concernant les récidivistes notoires, les Conservateurs ont décidés de remanier le système au grand complet, atteignant du même coup des citoyens qui n’avaient que de petits délits à leur nom.
Les agressions sexuelles nous choquent, particulièrement lorsque la victime est un enfant. C’est pourquoi personne ne s’est opposé à un projet de loi qui empêcherait des individus comme M. James de mettre leur passé derrière eux. Précisons toutefois que cette mesure n’est pas l’œuvre des Conservateurs. C’est la loi C23A, une législation proposée par le NPB, qui a donné à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le droit de refuser certaines demandes de pardon qui entrent en contradiction avec la morale et l’éthique de notre société. Bien que des délinquants sexuels comme Graham James ne devraient jamais recevoir un pardon, il est aussi important de ne pas juger l’efficacité d’un programme politique en se basant sur un cas unique.
Au moment où cette histoire a éclaté, environ 400 000 personnes s’étaient vues octroyer le pardon, ce qui avait pour résultat de sceller leur casier criminel et leur permettait de trouver un emploi décent. Aujourd’hui, 96% de ces personnes ayant reçu le pardon l’ont toujours ; ce qui signifie qu’elles n’ont jamais posé d’autre acte criminel. C’est une statistique impressionnante qui témoigne du succès du programme ; soit que la vaste majorité des gens qui reçoivent le pardon poursuivent leur vie de façon productive et droite.
Malheureusement, les Conservateurs ont choisi d’ignorer ces faits. Alors que la loi proposée par le NPD aurait pu et dû être la fin de l’histoire, les Conservateurs ont lancé la loi C23B, qui fera partie de leur loi omnibus C10.
La C10 a augmenté le délai d’attente avant de pouvoir faire une demande de pardon, soit de 3 à 5 ans pour une offense mineure, et de 5 à 10 ans pour une offense plus sévère. Puisque ces délais d’attente sont calculés à partir de la fin de la sentence, certains individus doivent attendre jusqu’à 15 ans et plus avant de pouvoir considérer de mettre leur passé derrière eux.
De plus, des individus ont été automatiquement exclus du programme de pardon, et ce ne sont pas que les délinquants sexuels. Quiconque ayant plus de 3 infractions jugées par mise en accusation et pour lesquelles est ordonnée une sentence de 2 ans ou plus sur chaque chef ne sera jamais admissible au pardon.
Peu importe si ces trois chefs concernent le même événement et la même arrestation. Ce type de détail n’importait pas pour les Conservateurs.
Ces derniers ont aussi augmenté le prix du pardon. Une mesure mesquine lorsqu’on considère qu’avec un casier judiciaire, il est très difficile de trouver un emploi. Le frais de service de la Commission des Libérations Conditionnelles du Canada est passé de 50$, à 150$, puis à 631$. Pourquoi ? Parce que selon Vic Toews, le Ministre de la Sécurité publique d’alors, « it is not the state’s business to be in the forgiveness business ». En gros, que l’État n’a que faire d’un programme qui se concentre sur le repentir de ses citoyens.
Bien évidemment, les Conservateurs ont eu tort sur leur façon de maîtriser l’enjeu, comme ils ont été malhabiles avec les sentences minimales obligatoires, la population carcérale, l’isolement carcéral et à peu près tout enjeu qui touche le crime et le système punitif. Leur incompétence est telle que des gens qui ont fait une demande de pardon en 2011 sont toujours en attente d’une réponse de la Commission, alors que le délai habituel est de quelques mois.
Heureusement, on peut voir la lumière au bout du tunnel grâce au changement récent de gouvernement. Le nouveau Ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a récemment promis une révision complète du programme de demande de pardon ; de façon tangible, mais aussi de façon symbolique en adoptant à nouveau le terme « pardon » plutôt que « suspension de casier ».
Avec un peu de chance, nous pourrons à nouveau parler de pardon en bonne et due forme. À nouveau les gens pourront tourner la page sur cet épisode de leur vie et nous verrons une Commission qui use à nouveau du simple bon sens.